Ecriture au jardin, cinquième proposition
15 juin 2019
Par carole lacheray - Ecriture au jardin, cinquième proposition - Lien permanent
Si j'étais un arbre...
On accorde parfois une valeur symbolique aux arbres, peut-être parce qu’ils sont le lien entre la terre et ciel.
En voici des exemples :
L'Amandier. Signe de la renaissance de la nature, cet arbre à la feuillaison printanière est aussi un symbole de fragilité car ses fleurs, ouvertes dès l'arrivée du printemps, sont sensibles au gel tardif. L'Aubépine. On accordait à cet arbre des pouvoirs permettant de détourner la foudre, de conserver la viande, d'empêcher de faire tourner le lait et d'éloigner les serpents ; d'où des plantations fréquentes d'Aubépines à proximité des granges et des étables.
Le Bouleau. .S'agit-il de sa blancheur, il est symbole de pureté, ou pet être est ce l'extrême finesse de sa ramure qui rend cet arbre si attirant ?
Le Chêne. Arbre sacré dans de nombreuses traditions, le Chêne est investi de privilèges accordés à la divinité suprême parce qu'il attire la foudre et symbolise la majesté. En tout temps et en tout lieu, le Chêne est synonyme de force et de solidité. C'est du moins l'impression qu'il laisse quand il atteint sa maturité.
Quel arbre seriez-vous ? Commencez votre texte par : « si j’étais un arbre, je serais… »
Extrait de Journal intime d'un arbre, de Didier Van Cauwelaert
Un arbre n'a d'autres sentiments que ceux qu'on lui confie. D'autres émotions que celles qu'il perçoit. D'autre angoisse que la prémonition des tempêtes, des incendies, de la sécheresse et des bûcherons. Mais cette angoisse-là, commune avec les animaux, n'a pas la même origine que la vôtre. Ce n'est pas la perte de nous-mêmes qui nous obsède, c'est la rupture d'une harmonie. L'arrêt des échanges avec les oiseaux, les insectes, les champignons, les jardiniers, les poètes; la fin des interactions qui nous lient au soleil, à la lune, au vent, à la pluie, aux lois qui gouvernent la formation d'un paysage-ce que vous avez appelé successivement la nature, l'environnement, l'écosystème.
Commentaires
Ah ! J'ai bien dormi, je me sens en forme, en harmonie avec le monde, avec les autres, bien installée entre la terre et le ciel ! Ouf ! Curieux, je n'ai pas envie de manger, ni de boire, n'ayant ni faim ni soif. C'est pourtant important pour moi ce moment matinal du thé et des tartines. Bon certains jours sont ainsi, la journée s'annonce bien et je ne vais pas bouder mon plaisir.
brigitteJe m'étire avec délectation, et je m'étonne ; j’atteins je ciel ! Enfin c'est l'impression qui m'envahit avec délectation.
Une douce odeur de verdure, d'amertume acidulée me titille les narines et surtout je me rends compte que je dégage l'odeur si particulière du buis. Ah comme cela me rappelle ma grand mère, j'aimais cette odeur qui nous accompagnait quand nous arrivions chez elle, mais que ma mère détestait et nous le disait, j'étais donc coincée entre le plaisir égoïste et l'envie de faire plaisir à ma mère.
Je me plonge dans mes souvenirs en regardant mes pieds, et ô stupeur, mes pieds sont enfoncés dans le sol, je tire, je force et n'arrive qu'à sortir quelques radicules. Je reste dubitative et inquiète...
Où sont mes pieds ? Je commence donc à m'observer plus attentivement. Où suis-je ? Qui suis-je ? Je vois une écorce blanche et noire, un tronc de bouleau ? Je lève les yeux et découvre de grandes fleurs blanches de magnolia et des abricots dorés et sans doute savoureux. Je suis couverte de feuilles aux formes diverses : du platane, du châtaigner, du frêne, du hêtre et même du figuier. Quelques noix gisent à mes pieds, ainsi que des bogues épineuses et des cerises noires.
Je cherche à comprendre et me rends compte que je suis loin d'être seule, des pinsons, des mésanges, des scarabées, des fourmis, un écureuil et une fouine semblent apprécier ma petite personne. Et même une petite grenouille et quelques araignées et autres limaces. Chose curieuse, je les accueille avec bienveillance, sans être perturbée par leur présence.
J'ai peur, je ne comprends pas, suis-je moi ?
Toc, toc toc, qui me cogne sur la tête ? Un pic noir …
Les pics noirs cognent les arbres, pas les humains.... Je suis … je suis... un arbre ? Mais quel arbre ?
Les odeurs, les fruits, les feuilles ne correspondent pas. Qui peut m'aider ? Je crie mais aucun son ne semble sortir de ma bouche perdue dans les branches. Pourtant une voix grave, chaleureuse, amicale me rassure. Cette voix semble sortir d'un très bel hêtre juste en face de moi.
« Tu fais partie des élues, les quelques humains que nous acceptons de prendre avec nous. Nous savons beaucoup de choses sur vous les humains, encore plus de Google. Il nous suffit de savoir regarder, écouter, observer et garder en mémoire. Tu es encore jeunette à nos yeux, et tu aimes et respectes les végétaux, refusant de nous utiliser exclusivement, comme les végans qui nous nient toute sensibilité et toute souffrance. Donc nous t'avons laissé choisir les éléments que tu veux. Peu à peu tu vas comprendre de toi même que tu devras en abandonner certains, en développer d'autres et faire un choix de vie sociale. »
La voix me souris, des branches me caressent, des souffles m'apaisent, les parfums m’apprennent.... Peu à peu une sorte de sérénité m’imprègne. Ma respiration se fait calme. Mes yeux cessent de s'effrayer. Je me rassure, je ne suis pas un arbre isolé, perdu au milieu du bitume. Je suis dans un bois, une forêt ou un jardin, bref un quartier multiraciale, multi social. Mes compagnons s'appellent if, hêtre, épicéa, mélèze, noyer, poirier, noisetier, rhododendron...
Le vue est belle, un vallon, au loin la mer, l'air est doux.
Tout ceci n'enlève pas mes craintes de déprimer, de m'ennuyer.
« Arrête, tu vas vite te rendre compte à quel point notre vie est riche, à quel point tu vas devenir importante pour aider tout un tas de monde, à quel point tu devenir redevable en retour. Des arbres, des champignons, des mousses, des insectes, des larves, des vents, des oiseaux vont t'enrichir et s'enrichir grâce à toi. Alors souris à la vie. Et retiens bien cela, l'entraide est la clé de tout. Souris à la vie et regarde avec confiance les quelques siècles à venir pendant lesquels tu vas t'épanouir. »
Bien, Monsieur le Hêtre, laisse-moi un peu de temps pour renoncer à mes vieilles habitudes, aide-moi à m'adapter et à apprendre à vivre avec optimisme en tant qu'arbre.
Brigitte
Si j’étais un arbre, je serais un châtaignier.
Isa LebastardNé et grandi en sol corse, sur terroir siliceux, l’arène granitique de Santa-Lucia, j’ai déjà vu passer soixante printemps et cinquante-neuf hivers. Mon tronc, rectiligne, fuselé, élancé, provoque bien des jaloux au sein du petit bois. Mes voisins, des chênes verts, des pistachiers lentisques, quelques maigres acacias, caroubiers et autres végétaux du maquis corse, n’ont pas hérité de ma lignée, plus digne d’une forêt que de ce repaire épineux pour bandits et autres maquisards. Mes ramures s’étendent, longues, presque à l’horizontale. Mes feuilles, plus larges que des paumes, au contour dentelé, se déploient et, réunies, protègent d’un auvent de fraîcheur le sol aréneux. Des cochons sauvages, sangliers croisés de porcs évadés, se délectent, l’automne venu, de mes grosses châtaignes. Je mature et remplis mes fruits, avec patience, d’une chair nourrissante dont ils raffolent. Les hommes aussi viennent me flatter, le moment venu, pour récolter à mes pieds les riches faînes. On m’a raconté qu’au village, ils en extraient une farine, dont je n’ai, bien sûr, jamais goûté, qu’ils accompagnent d’un fromage fraîchement battu, le bruccio, et d’un verre de vin de Propriano. Le paradis des hommes prend corps ici, en partie grâce à mes précieuses châtaignes.
Si j’étais un arbre, je serais un chêne. Une évidence pour moi dont le nom de famille est Duquénoy, qui signifie de la chênaie (forêt de chênes). Le chêne est celui qui résiste et ne plie jamais.
heyliettPlutôt que de renoncer à ses prérogatives, il sera arraché mais non sans avoir essaimé à ses pieds des milliers de petits glands, pousses d’espoir qui à leur tour protégeront de leurs branches la vie des sous-bois.
Heyliett