Onzième défi
22 avr. 2020
Par carole lacheray - Onzième défi - Lien permanent
micro nouvelle
Onzième défi d’écriture :
ça y est, on pense à l’après, on l’envisage, on se projette…
Pour ce onzième défi, je vous propose d’écrire une micro nouvelle ( moins de 6000 signes) dont la chute sera inattendue et dans laquelle vous insérerez cette phrase, extraite du discours d’Edouard Philippe :
« A partir du 11 mai, ce ne sera pas la même vie qu'avant le confinement. Nous allons apprendre à organiser notre vie. En vivant dans un quotidien qui sera un peu différent. »
Bonne inspiration ! J’attends vos textes avec impatience en commentaires.
Commentaires
Regarde, quelque chose a changé
L'air semble plus léger
C'est indéfinissable
Sous ce ciel déchiré
Tout s'est ensoleillé
C'est indéfinissable...
chantait Barbara en 1981. L'a-t-elle écrit le 11 mai ? Mitterrand avait été élu le 10, alors peut-être.
Les vieux se souviennent, beaucoup avait filé place de la Bastille, l'air respirait la liesse et beaucoup d'espoirs semblaient pouvoir se concrétiser. C'était une période où les problèmes écologiques ne plombaient pas l'atmosphère. C'était une période où les virus n'attaquaient pas l'occident. C'était une période où on pouvait encore croire qu'un gouvernement de gauche allait appliquer une politique de gauche....
Les temps ont changé.
A partir du 11 mai, ce ne sera pas la même vie qu'avant le confinement. Le mois de mai est peut-être un mois où les choses bougent... J'espère bien. Je suis fatiguée d'être enfermé.
Bon le temps est difficile à capter dans cet enfermement. Sans trop percevoir la succession des jours, je sais que la vie est belle, la vie est forte, elle gagnera toujours. La terre qui est l'être vivant par excellence sortira gagnante, mais les humains auront sans doute quelques problèmes.
Heureusement il y a les champignons et les arbres, ils peuvent recommencer la conquête de cet espace fermé qu'est la terre. Ils ont la durée pour eux, et aussi la chimie.
Donc une vie différente. Aurait-il raison cet homme, au delà de ce qu'il imagine même ?
Nous allons apprendre à organiser notre vie. Bon il est culotté cet homme, il fait quand même partie de ceux qui ont conduit le monde là où il est. Il est peut-être honnête, mais un peu aveugle. J'aimerais voir les politiques assumer leurs actes. Ils viennent de prouver qu'ils ont la possibilité de faire bouger les choses, alors, hop on gomme et on écoute le bruissement de la vie, les évidences de respect. Et que la gouvernance soit éclairée au lieu d'être économique.
La plupart des hommes sait organiser sa vie, les idées fusent, un peu de cohérence pour laisser la vie gagner et apprendre à s'émerveiller devant la délicatesse des fleurs, le clapotis de l'eau, les grognements des volcans, les mélopées des vents au lieu de s'extasier face à de faux premiers de cordée qui conduisent dans le mur.
En vivant dans un quotidien qui sera un peu différent. Un peu ça dépend pour qui, pour certains un peu, pour d'autres beaucoup, j'aimerais surtout que les grandes fortunes perdent cette habitude de toujours vouloir être plus riche et mélange tout du moment que leur monde économique leur est fvorable.
Vieux monde, renouveau, renaissance, nouveau monde, tous ces termes ont déjà été employés. Est-ce que cela a développé l'entraide ? La générosité ? Le partage ? Est-ce que la terre a arrêté de tourner autour du soleil ?
Bon tout cela me fatigue beaucoup. Le monde d'avant le confinement ne me séduisait guère, le confinement me donne la nausée avec toutes ces injonctions à BIEN, bien lire, bien manger, bien cuisiner, bien coudre, bien faire sa gym, bien dormir, bien, bien, bien,.... et zut ! Mal, mal, pas bien, pas terrible, bof, Hi hi hi !! voilà ce que je grogne. L'erreur est parfois si douce, si constructive.
Alors, ma décision est devenue évidente : je demeure enfermé de mon plein gré et ne pense pas sortir de mon confinement avant plusieurs mois.
Donc ne m'attendez pas avec trop d'impatience. Je suis adepte du slow birth. Je vais programmer ma naissance pour le 18 mai 2022.
Brigitte
brigitteMa chère Louise,
Comme je te l’ai promis, je t’envoie de mes nouvelles. Je me languis de toi et m’inquiète à chaque instant de ta santé. Le temps s’étire beaucoup trop lentement depuis que je suis privé de ta présence. D’autant que mon quotidien n’est guère réjouissant puisqu’il me faut supporter ma mère qui me fait vivre un enfer. Son amour m’étouffe, elle me considère encore comme un petit enfant et cela m’est de plus en plus pénible. Elle ne cesse de me houspiller: « Je t’interdis de sortir, tousse dans ton coude, lave tes mains, as-tu pris ton médicament ? » Celui-là, je le maudis, c’est une horrible mixture au goût ignoble, à base de gros sel, de charbon en poudre et de laudanum. Un poison qui vous tord l’estomac. C’est censé guérir la maladie, c’est ce que croit ma mère. c’est son amie, la concierge du docteur Bertin qui lui a dit. Et comme elle répète souvent qu’il vaut mieux prévenir que guérir, elle m’oblige à avaler ce poison à titre préventif. Elle adore jouer les apprenties sorcières. Je n’ai que 20 ans et pas encore le pouvoir de lui désobéir, mais à partir du 11 mai, ce ne sera pas la même vie qu’avant le confinement que ma mère a décrété. Le 11 mai, ce sera mon anniversaire et j’ai bien l’intention de prendre la poudre d’escampette, avec toi, loin d’ici, j’en aurai le droit. Je sais que tu le souhaites aussi.
« - Nous allons apprendre à organiser notre vie, m’a-t-elle dit, à l’annonce de cette horrible épidémie. En vivant dans un quotidien qui sera un peu différent. Mon devoir est de te protéger de cette maudite maladie, nous devons rester à l’écart des autres personnes et rester chez nous. Le potager et les poules suffiront à nous nourrir ».
C’est ainsi que je suis devenu prisonnier de ma mère et je ne peux me rebeller, n’étant pas autorisé encore à décider seul de mon sort. Toutefois, la pensée que nous allons fuir ensemble me fait tenir.
Certes, je suis parvenu à me sauver une fois en passant par la fenêtre de ma chambre, mais le spectacle des rue de Paris vides et puantes de l’odeur du chlore avec lequel on les nettoie ne m’a pas donné envie de recommencer. Je sais que toi aussi de toute façon, tu dois rester cloîtrée chez toi, captive de cette « peur bleue » puisque c’est ainsi que l’on nomme ce fléau qui fit encore hier huit cent quarante-huit victimes rien que dans notre capitale, c’est ce que le crieur public claironnait tout à l’heure.
Prends soin de toi, ma belle.
J’espère que le vinaigre blanc dans lequel aura trempé mon courrier afin de le désinfecter avant de t’être remis n’aura pas effacé mes mots.
Je t’aime Louise, le 11 mai, je te le promets, nous partirons ensemble loin de ce choléra qui nous sépare et nous menace.
Bien à toi,
Ton Léon,
Paris, le 11 avril 1832
Carole
caroleSur la scène, Pierrot se démène.
Depuis toujours, il a un fil à la patte.
A la patte et aux épaules, à la taille et au cou.
Tout comme ses compères, marionnettes depuis leur plus jeune âge.
Sur la scène, ils dansent, ils sautent, ou se laissent tomber,
Guidés par la main gantée de leur manipulateur.
Ainsi se nomment les marionnettistes : des manipulateurs.
Sur la scène, Pierrot bouge et danse et saute,
Lève la jambe, baisse le bras, courbe la tête,
Obéit aux injonctions du manipulateur
Caché là-haut dans les cintres.
Sur la scène, Pierrot entend des souffles dans la salle, à ses pieds.
Il ne les voit pas, il ne voit qu’un grand trou noir
Au-delà des lumières de la rampe.
Il ne les voit pas, mais les entend quand ils rient, quand ils toussent,
Ceux que l’on appelle « spectateurs » :
C’est une foule plus ou moins dense de lucioles,
Bestioles clignotantes et vibrionnantes,
Qui se pressent à l’entrée, qui se bousculent et se heurtent,
Petites loupiotes stressées, toujours en mouvement,
Lucioles jamais tout à fait éteintes,
Même pendant la représentation,
Et promptes à s’échapper dès la fin du spectacle.
Depuis quelques semaines pourtant
Quelque chose a changé :
Un beau jour, un 12 mars précisément,
Il y a eu beaucoup moins de lucioles dans la salle,
Et trois jours plus tard, plus une seule.
La salle est restée dans le noir, dans le silence,
Et Pierrot et ses amis affalés sur la scène,
En vrac, les fils pendants.
Plus de murmures dans les cintres, plus de jurons,
Plus de fils tirés et plus de manipulation.
Repos !
Il se chuchote en coulisses
Qu’un méchant manipulateur a débarqué,
Il n’a pas de visage et pas de voix,
Sans faire aucun bruit il a envahi l’espace,
C’est lui désormais qui tirerait les fils...
Pierrot et ses amis de scène attendent,
Guettent dans le noir un mouvement,
Un indice, un craquement, un claquementGrand silence.
mitsouTous, ils se reposent, savourent chaque minute de ce calme inattendu.
Au 31ème jour, Pierrot tout à coup l’entend :
Le petit cœur de son ami Jack se met à faire « tic-tac, tic-tac »,
Tout doucement, régulièrement,
Pierrot l’entend, et les autres aussi, dans le noir.
« tic-tac, tic-tac », en rythme la mécanique
S’est mise en marche, Jack cligne des yeux,
Pierrot redresse la tête.
A ses côtés, la Môme Castagnette claque les doigts
Et Léon l’Accordéon pousse un soupir mélodieux.
Manu Bois d’Ebène dans un souffle pousse une note,
Puis deux, aériennes. José Bolivar a posé son fusil,
On entend juste le bruissement des feuilles de son livre favori,
En fond de scène le petit peuple des Gaulois au gros nez s’agite
Et rit.
Dans le théâtre abandonné, un à un ils se redressent,
Se relèvent, leurs pieds commencent à danser,
Tap-tappent en cadence sur les planches :
Pas de lumière et pas de lucioles,
Mais ils dansent.
Pas de manipulateur là-haut,
Mais ils dansent, en cadence, sur les planches.
Dans la salle, on croirait entendre comme des claquements,
En cadence dans le noir…
Dans la salle, on dirait une douce clarté qui monte,
Comme un soleil pâle qui se lève,
Les murs s’effacent, fondu enchaîné,
Sous le dôme de la salle un ciel s’éclaircit…
Au parterre, point de lucioles frénétiques, mais
Toute une assemblée d’oiseaux, grives et merles,
Etourneaux et mésanges, alouettes et colibris,
Des mouettes rient et les becs claquent, en cadence.
Tout au fond de la salle, une otarie applaudit,
On entend au loin une baleine chanter…
Tous, Pierrot et ses compères, tous savent, maintenant :
Plus besoin de manipulateurs gantés,
Ils sont bel et bien capables de compter sur eux-mêmes,
Ils le dansent et le chantent :
« Dans quelques jours, le temps de nous accorder, à partir du 11 mai, ce ne sera
pas la même vie qu'avant le confinement. Nous allons apprendre à organiser notre
vie. En vivant dans un quotidien qui sera « un peu » - beaucoup - différent. »
2020 04 23 11è défi. Le Maître et l’Apprenti
Mercredi 22 avril 2020. Trente-sixième jour de confinement
11ème défi. Nouvelle à chute avec phrase d’Édouard Philippe
Ça y est, on pense à l’après, on l’envisage, on se projette…
Pour ce onzième défi, je vous propose d’écrire une micro nouvelle (moins de 6000 signes) dont la chute sera inattendue et dans laquelle vous insérerez cette phrase, extraite du discours d’Édouard Philippe :
« A partir du 11 mai, ce ne sera pas la même vie qu'avant le confinement. Nous allons apprendre à organiser notre vie. En vivant dans un quotidien qui sera un peu différent. »
Le Maître et l’Apprenti
Ils sont venus au petit matin, en plein cœur de l’hiver, alors que nous dormions encore. Ils sont entrés dans nos foyers, nous ont arrachés aux limbes du sommeil et à la douceur de l’innocence. Ils nous ont séparés, sans un mot, et jetés dans des véhicules bâchés, derrière d’immondes barreaux. J’entendais mes sœurs, Léa et Myriam, dans l’autre camion, hurler et appeler au secours. Mon petit frère Benjamin s’accrochait à moi, tétanisé. Mes parents avaient disparu. Je ne le savais pas encore, mais je ne les reverrai jamais. Les camions roulèrent sans fin. Nous ne savions pas où nous allions, la bâche masquait la route et le paysage. À côté de nous, d’autres jeunes, derrière d’autres barreaux, tremblaient d’effroi. Je ne les connaissais pas. La rafle matinale avait eu lieu dans plus de foyers que le nôtre. Les kilomètres défilaient, le jour s’était levé depuis longtemps et le soleil tapait fort sur la bâche. Nous avions soif, tellement soif. Nos ravisseurs ne nous avaient pas donné d’eau, et ne comptaient visiblement pas nous en donner. Nous suffoquions, l’air manquait. Certains d’entre nous s’évanouirent, de fatigue, de peur, d’asphyxie, déshydratés. Un petit mourut, il s’affala parmi les corps de ses camarades, tassés comme des bestiaux dans un parc. C’était inhumain, on nous traitait comme des cochons en route pour l’abattoir. Je sentais la rage m’envahir et dus lutter pour ne pas insulter ces monstres : je devais garder mon souffle, économiser de l’énergie. Moi, Gabriel, je devais protéger mon petit frère.
Le camion freina brusquement. On nous déchargea brutalement. Le chef des ravisseurs, en bottes noires et hautes, cria ses ordres, repoussant sans ménagement nos camarades morts. Il nous déposa en plein soleil, toujours prisonniers, toujours assoiffés. Un homme arriva, en bottes lui aussi. Une discussion s’engagea entre les deux hommes mais je ne comprenais pas leur langue. Un transfert eu lieu, un sombre arrangement se négocia. Nous étions jaugés, soupesés, tels du bois d’ébène pour des plantations de canne à sucre. La chaleur nous étourdissait, nous ne réagissions plus. Une seule arrière-pensée nous soutenait encore : boire, par pitié, boire. L’homme choisit alors cinq de mes camarades et moi-même. Benjamin, plus jeune, plus fragile, ne fut pas désigné et nous fûmes, malgré nos hurlements, séparés. L’homme nous balança dans un nouveau camion, nous reprîmes la route, toujours sans boire ni manger, ahuris, épuisés. J’avais perdu toute ma famille.
Enfin nous arrivèrent, dans ce qui ressemblait plus à un camp de réfugiés qu’à un centre de vacances. On nous poussa vers de pauvres baraquements de tôle ondulée, au sol de terre battue. Terrorisés, nous nous serrions les uns contre les autres. On nous donna enfin à boire : une eau tiède et croupie, sur laquelle nous nous jetèrent. La nourriture était infecte. Nous ne savions pas où nous nous trouvions. Un haut et solide grillage entourait une sorte de parc, un méchant terrain vague. Une porte cadenassée fermait l’entrée. Nous étions confinés. De temps en temps, des chiens bruyants passaient. Agressifs, ils aboyaient pour un oui ou pour un non, nous dissuadant de nous échapper. Quand le Maître nous rendait visite, de son pas rapide, campé sur ses grandes bottes noires, les chiens se déchaînaient de plus belle.
Les jours, les semaines, les mois passèrent. Je ne comptais plus les jours. Je ne savais plus quand nous étions. L’hiver semblait fini, et le printemps s’avançait. À vue de nez, nous devions être en mars. Ce confinement forcé nous arrachait au temps. De nouvelles recrues arrivaient, régulièrement, perdues comme nous l’étions au premier jour. La population dans le camp gonflait dangereusement. Nos conditions de vie, ou plutôt de survie, insalubres, s’aggravaient de jour en jour. Nous manquions de place pour dormir. Le soir, je me tassais dans un angle de mon baraquement et pourtant, au matin, je me réveillais sous une mêlée confuse de corps et d’odeurs. Nous n’avions plus aucune hygiène. Les excréments traînaient partout. Il était impossible de ne pas marcher dedans, de ne pas coucher dessus, les rares banquettes étant prises d’assaut par les petits chefs. Beaucoup toussaient, certains mouraient. Le pire, c’est que leurs corps n’étaient pas dégagés le jour même, et nous devions supporter les visions d’horreur doublées des miasmes de la décomposition. C’est pendant cette période que je perdis mes deux nouveaux amis, Albert et Simon.
L’atmosphère du camp était sous tension. La chaleur de la tôle ondulée, qui brûlait les baraquements et nous grillait nous le soleil, ajoutait de l’électricité à l’air. Certains de nous se battaient, se blessaient, balançant leur agressivité vers leurs frères de misère, ne pouvant la retourner contre nos bourreaux. La quantité de nourriture ne suivait pas. Nous aurions vendu notre âme pour quelques miettes, et moi, Gabriel, éduqué dans la moralité la plus saine, je dois l’avouer : j’ai arraché un croûton de pain de la bouche d’un de mes camarades. Toute dignité était dès lors perdue.
Le temps du confinement continua à passer sans passer. Les pommiers et les lilas, dans la belle nature autour du camp, étaient en fleurs. J’en déduisis que nous devions être en avril. L’Apprenti du Maître avait maintenant pris l’habitude de venir nous voir tous les jours. Un jeune, qui avait l’air bien moins méchant que son mentor. Il nous distribuait toujours une petite dose de nourriture en plus et en douce, je l’avais remarqué. Un matin, il s’est planté devant le grillage. J’étais de l’autre côté, exactement en face de lui. Quelques centimètres, à peine, et la liberté nous séparaient. Nous nous sommes longuement regardés dans les yeux, fixement. Puis, il a parlé. Avec un drôle d’accent, certes, mais je suis arrivé à le comprendre. Nous ne parlions pas la langue de nos ravisseurs, mais lui, le jeune, l’Apprenti, avait fait l’effort d’assimiler la nôtre. Il me dit, très lentement et très distinctement, comme pour moi seul : « J’ai pitié de vous ». Il tourna le dos et partit.
Je n’arrivais plus à dormir. L’épuisement se mêlait à l’excitation. L’espoir était revenu. Pourtant, après avoir désespéré si longtemps, l’espoir peut s’avérer néfaste voire dangereux, je le savais. Mais je ne pouvais m’empêcher de tirer des plans sur la comète, de rêver d’évasion, de nouvelle vie. L’Apprenti nous aiderait, j’en étais sûr désormais. Je devais le revoir, en tête-à-tête, arriver à le convaincre, à jouer davantage sur sa pitié, son humanité, son sens des responsabilités.
Un matin, début mai sans doute, l’inconcevable se produisit. Une fumée noire s’échappa de la cheminée du très haut bâtiment qui faisait face au campement. Le vent la poussa vers nous. Mes camarades et moi sentîmes, horrifiés, l’odeur de la chair brûlée. Une odeur reconnaissable entre toutes. Non, je ne voulais pas croire ce que je sentais. Non, ce n’était pas possible. Non, ils ne pouvaient pas faire cela. Et pourtant, beaucoup d’entre nous avaient mystérieusement disparu du camp ces derniers jours, pendant la nuit. Je me réveillais au matin et les corps endormis sur le mien, les corps à pousser pour sortir du baraquement, étaient nettement moins nombreux.
L’Apprenti est revenu. Il s’est planté devant moi, encore une fois, derrière le grillage. On dirait qu’il m’a choisi, moi, comme meneur du groupe, ou comme confident. Peut-être qu’on se ressemble, qu’il sait qu’il aurait pu être à ma place, ici. Il a parlé dans notre langue, lentement, mais je l’ai compris. « Demain, c’est le 11 mai. Demain, c’est mon anniversaire. Je vais faire quelque chose pour vous, pour moi, et ce sera mon cadeau ». Il est parti avant que j’aie pu ajouter un mot.
Lundi 11 mai, au petit matin. L’Apprenti a tenu parole. Il s’est faufilé au lever du jour, et tenait la clé du baraquement qu’il avait dérobé au Maître. Il a ouvert la porte. « Partons, nous a-t-il dit, enfuyons-nous à travers ce champ, vers cette forêt, retrouvons notre liberté ! ». Je m’élançai comme je pus, les larmes aux yeux, en compagnie de mes frères. Notre petite troupe, faible et pathétique, cavalait sur des jambes fragiles vers la forêt refuge. Arrivés dans la clairière, nous étions à bout de souffle, peu habitués à l’exercice physique. L’Apprenti se mit alors, tout naturellement, au centre du cercle que nous formions, tel un nouveau guide, sauveur de notre peuple, gardien de notre infortune. Il prit la parole. « Mes amis, nous voici libres. Cette date restera dans vos mémoires. À partir du 11 mai, ce ne sera pas la même vie qu'avant le confinement. Nous allons apprendre à organiser notre vie. En vivant dans un quotidien qui sera un peu différent. »
Mardi 12 mai
Le morveux est revenu à la maison, la queue entre les jambes, après une nuit dans la nature qu’on l’croyait perdu. Ah, j’te lui ai passé un de ces savons, y s’en souviendra. Qu’est-ce qui lui a pris, au gosse, d’ouvrir le poulailler, de libérer toute la volaille, d’un coup, comme ça ? Il est dingue ce petit, avec sa sensiblerie, il doit tenir ça de sa mère. Mais je lui ai filé une bonne punition : aujourd’hui, et jusqu’à ce soir, y va m’ébouillanter, me plumer, me vider et me préparer tous les poulets qu’on a réussi à rattraper et que j’ai égorgés ce matin. Comme ça, il pourra plus dire qu’il sait pas d’où ça sort, quand il mange ses nuggets au Mac Do, l’hypocrite.
Isabelle Lebastard
isabelle lebLe printemps éclate de partout dans mon joli jardin. J’adore marcher pieds nus dans la rosée. Mon corps capte les premiers rayons du soleil qui chassent la fraîcheur de la nuit.
J’ai toujours faim en ce moment. Heureusement mon potager m’offre des délices : feuilles tendres des légumes nouveaux, petites fraises des bois et mûres juteuses. Alors, je l’avoue, je me goinfre, je me goinfre. Mes amies me disent: ». Attention à ton tour de taille, tu manges trop... »
Et puis, un beau matin, je me suis sentie lasse, lourde ( j’ai peut-être exagéré sur la nourriture). Que m’arrive-t-il ? J’ai du mal à bouger. Ai-je attrapé ce mauvais virus dont tout le monde parle ? Avant de perdre connaissance, j’entends cette phrase qui se fixe dans mon cerveau malade : « À partir du 11mai ce ne sera pas là même vi...eeee..... ».
Combien de temps s’est-il écoulé ? Je ne sais pas. Je pense que j’ai été mise dans le coma. Je ne sais pas....où suis-je?
J’ouvre les yeux et tout étonnée, je me rends compte que je n’ai pas quitté mon jardin. Je bouge doucement, je me sens légère tout à coup. La période de coma m’a fait perdre du poids, mes jambes sont devenues longues et graciles et je crois bien que j’ai gagné une taille de guêpe. Quel bonheur de se sentir vivante après ce long confinement !!
J’ai envie de rire et de pleurer à la fois et dans mon enthousiasme, je me sens quitter le sol et.. et... voler...voler...deux paires d’ailes fixées dans mon dos se mettent à battre frénétiquement. Je suis devenu un PAPILLON.
Ivre de joie et de liberté je m’élance au dessus des arbres et des fleurs. Je découvre un monde nouveau vu d’en haut ; moi qui ne le connaissais que vu d’en bas. Je n’ai plus d'appétit pour les feuilles tendres et les petits fruits mais je me gave de nectar de fleurs.
lucetteSur le buddleia en fleurs je retrouve touts mes copines chenilles. Elles aussi, sont devenues papillons. Nous sommes le 11 mai. La phrase entendue avant mon coma se reforme en entier dans mon cerveau: « ...la même vie qu’avant le confinement. Nous allons apprendre à organiser notre vie en vivant dans un quotidien qui sera un peu différent. »
Texte d'Isabelle : Haute couture !
De l ' air ! Oust !
Le monde d après. ..il a dit..
Lui, qui sait tout..et rien
Rien, comme ces personnes qu il a montrees du doigt.
Le monde d après, c est aujourd'hui Marine pestant , ça la gratte de partout cette histoire !
Et les autres, ou sont ils?
Que sont ils devenus ?
Personne, n aime allez chez le médecin, là ils s' invitent tous les jours chez nous.
Take care!..
Moi, je crois que le monde "d apres" est déjà là.
C est la tendance, "BAS LES MASQUES"
Les masques ou sont ils?
Suzie du haut de ses 6 ans, a posé le mouchoir en tissu , comme on n en fait plus , de son grand père , sur le visage de sa poupée.
Le 11 mai, s il en est, nous serons tous masques.
Il y aura le masque sigle Dior et le masque de Suzie.
L industrie du textile bat son plein, avec toutes ces mains qui s agitent derrière les machines .
De fil en aiguilles , Macron devra tomber le masque ! et nous mettre notre mouchoir dans notre poche ????!!
Et continuer le prêt à porter des idées?
Suzie , dit que le Président son nez s allongé quand il parle.
C est une masquarade.
Je veut croire que Suzie, avec ses 6 printemps reverra sa grand-mère, autrement que sur Skype.
isabelleQue celle ci, pourra la prendre dans ses bras.
Elle, sa grand mère...qui était couturière dans le temps.
Onzième défi : Une nouvelle vie ?
La vieille dame est ravie. Il est à peine dix heures du matin. Et elle vient de raccrocher son téléphone pour la troisième fois. Depuis le 17 mars, elle reçoit, pas moins d’une dizaine de coups de fils et messages par jour. Un des premiers appels qu’elle ait reçus venait d’une association de solidarité de la ville « Confinés mais toujours connectés ». Une dame charmante lui a demandé si elle avait besoin de quelque chose. Elle s’est présentée comme une élue locale. Cela a amusée Jeanne qui la connaît et qui sait qu’elle est son aînée de quelques années. Bien que Jeanne lui ait répondu qu’elle était encore valide, qu’elle faisait ses courses et son ménage elle-même, son interlocutrice a insisté, n’hésitez pas faire appel à nous, ne serait-ce que pour parler. C’est bien tentant pour une femme aussi bavarde que Jeanne.
Depuis le début de la crise, ses enfants l’appellent souvent même de l’étranger pour savoir si elle est toujours en vie. Sa voisine plutôt revêche d’habitude lui tient la jambe sur le palier si d’aventure, elles rentrent à la même heure de leurs courses.
Des cousines plus ou moins éloignées, dont elle a des nouvelles que pour les vœux du nouvel an, lui téléphonent régulièrement.
« A partir du 11 mai, ce ne sera pas la même vie qu’avant le confinement. Nous allons apprendre à organiser notre vie. En vivant dans un quotidien qui sera un peu différent. » A prévenu le Premier ministre. Jeanne fait mentalement ses comptes. A part le fait de ne pouvoir sortir que munie d’une attestation, masquée et gantée, et de façon nettement plus limitée, qui y a t-il de changé dans sa vie ?
Bien sûr, l’exercice physique lui manque. Plus de randonnées, de séances de gym ou de piscine, de rencontres avec les copines pour se faire une toile, aller voir une expo ou écouter une conférence, un concert …
Evidemment, elle espère revoir ses proches et les serrer dans ses bras surtout ses petits enfants. Et pour cela voyager de nouveau, plus ou moins loin !
Mais l’âge la rattrape et ses jambes n’ont plus 20 ans, elle apprécie ce repos forcé qui lui donne l’occasion de mettre en ordre ses armoires et placards. De réorganiser ses bibliothèques et étagères où elle a découvert beaucoup de livres qu’elle n’avait pas lus et même oubliés.
Elle envisage le classement des nombreuses photos qu’elle a entassées depuis son adolescence.
Finalement, Jeanne se console en se disant que cet épisode tragique l’a rapprochée des autres « Loin des yeux près du cœur ».
Elle craint qu’une fois cette tragique parenthèse terminée, les êtres qui lui sont chers ne l’oublient en reprenant leurs occupations. A quoi ressemblera sa nouvelle vie ? Sûrement la même avec quelques plus mais aussi des moins !
heyliettMais de là, à souhaiter l’apparition d’un autre virus dans les années qui viennent, il ne faut pas exagérer tout de même !