12 ème défi
27 avr. 2020
Par carole lacheray - Douzième défi - Lien permanent
Des points de vue différents...
Dans un premier temps, je vous propose de raconter, dans un texte court, écrit à la première personne, une anecdote qui se serait produite pendant le confinement : une grosse colère, l’astuce qui a permis d’améliorer le quotidien, une découverte, une rencontre,une activité jamais envisagée etc…
Dans un deuxième temps, et donc un deuxième texte, la même anecdote sera racontée par un autre narrateur qui a été témoin de ce que vous venez de raconter. Sa version sera peut être différente…question de point de vue…
Commentaires
Je m’appelle Jack Forbes. J’ai eu 60 ans il y a quelques jours. Je vis en Virginie Occidentale dans les Appalaches. J’ai aménagé une cabane en bois au bout d’une grande prairie bordée par une jolie rivière. J’y vis seul. Il y a une trentaine d’années, j’ai décidé de quitter le monde civilisé pour me réfugier dans ce coin de nature sauvage.
Le monde va mal, notre pays est en danger et le risque d’une attaque nucléaire est réel. J’ai donc décidé de construire un abri anti-atomique dans la colline derrière chez moi.
Aujourd’hui, les travaux sont terminés. Je vais essayer d’y vivre complètement confiné pendant une dizaine de jours pour mesurer l’efficacité de ce dispositif.
Je vais tenir un journal:
1 er jour de confinement:
Tout va bien. J’ai un peu de mal à m’habituer à l’obscurité, mais j’ai un stock de bougies et de lampes à pétrole. Mon petit poste de radio me donne des nouvelles du monde. Les boîtes de conserve me semblent fades. L’eau du petit ruisseau que j’ai détourné et qui traverse l’abri avant de rejoindre la rivière, est délicieusement fraîche.
5 ème jour:
Tout va bien. Les journées me semblent longues. Je dors mal et dans mes cauchemars je retourne toujours dans l’enfer de la guerre au Vietnam. Alors, mes amies « les bières » ( dont j’ai fait grande provision) viennent à mon secours.
10 ème jour :
Je pense que l’essai est réussi. Je vais ressortir. Il faut que je m’occupe de mon potager,
car pendant la période critique, j’aurai besoin de réserves de légumes racines.
Il faut aussi que je reprenne contact avec mes deux enfants pour leur proposer de me rejoindre à l’abri quand le conflit éclatera.
8 juillet 2015.
lucetteMon père, Jack Forbes, est mort d’un cancer du foie. Il avait 62 ans.
Avec mon frère, nous avons hérité de sa « cabane » et nous y avons trouvé son journal d’essai de confinement.
Incroyable, il avait été obsédé par son idée d’attaque nucléaire toute sa vie. À son retour du Vietnam, détruit physiquement et psychologiquement, il s’était réfugié dans l’alcool. La vie à la maison était devenue un enfer. Puis un jour, sans un mot, il avait disparu.
Il ne s’était pas seulement confiné dans son abri, il s’était coupé du reste du monde.
Il voulait, démontrer que sa théorie folle était envisageable.
Il avait tellement fréquenté la mort pendant la sale guerre, qu’il voulait être et rester
un « survivant » peut-être le seul. C’était un être en souffrance et il m’a toujours manqué.
J'ai quitté la grande ville en ayant une opinion assez neutre des bovidés. Et puis peu à peu j'ai appris à observer les vaches qui peuplaient les prairies autour de ma demeure campagnarde. Et voilà que ces vaches et quelques taureaux m'ont séduite. Leur œil paisible m'apportaient un peu sérénité. J'admirais aussi leur côté sociale, sans agressivité.
Être sûre de leur présence et les saluer régulièrement était un élément de ma vie... Je suis certaine que de loin, nous étions devenues amies. D'ailleurs je leur avais donné des prénoms charmants : Séraphine, Rose, Julie, Églantine, Hugo ou Jules pour les taureaux (honnêtement je me méfiais un peu des mâles).
Et voilà qu'est arrivé cette injonction à rester chez soi... J'ai de la chance : une grande maison, un grand jardin et de beaux troupeaux de vaches autour....
Nous nous sommes observé, évalué, les bovidés et l'humanoïde. Comme j'étais seule j'ai pris l'habitude de faire la lecture à mes amies les vaches. Pour ne pas les rebuter, je variais, tantôt de la poésie, tantôt de la littérature, tantôt des textes scientifiques ou théâtraux. Jamais elles n'ont évité nos rendez-vous quotidiens. On s'appelait. Bref une belle complicité est née. Moi j'étais heureuse de cet échange. Il comblait mon besoin de communiquer, il occupait une bonne partie de mes journées et même de mes nuits (chercher les textes prend beaucoup de temps).
Et progressivement, je me suis rendu compte que nous nous comprenions parfaitement et que mes copines les vaches me faisaient part de leur goûts, de leurs envies... Elles ont vite refusé d'écouter les récits scientifiques, elles voulaient de belles histoires, de douces mélopées verbales. C'était des choix collectifs, elles se concertaient. Donc, je n'avais plus qu'à suivre leurs préférences.
Abasourdie, j'ai découvert la grande finesse et la délicate sensibilité des vaches.
Le temps du confinement s'achève, mais nous continuons cette belle relation, et depuis peu, nous alternons, je lis et elles (Mathilde et Sidonie en tête), elles me narrent leurs légendes, contes et aventures bovines. Et nous souhaitons continuer. Jamais je n'aurais imaginer faire la lecture à des vaches. Jamais je n'aurais imaginé être en symbiose ainsi avec mes plus proches voisines à quatre pattes. J'ose dire que jamais je n'ai été aussi heureuse.
J'étais inquiet pour elle, rester isolée dans cette grande maison, sans voir personne. Je la savais habituée à la vie solitaire, mais j'aurais été plus tranquille si elle avait accepté notre proposition de venir passer ces semaines de confinement avec nous. Je m'en veux de ne pas avoir insisté davantage ou même d'être aller la chercher sans lui demander son avis. Elle n'aurait pas refusé, elle m'aimait trop alors, enfin, je crois.
brigitteJe lui téléphonais tous les jours. Très vite, elle a commencé à me parler presque exclusivement des vaches qui occupent les champs autour de sa maison. Je savais qu'elle avait de l'affection pour ces animaux, d'ailleurs elle a décoré sa chambre de toute une collection de cartes représentant des vaches. Donc je l'écoutais et j'étais rassuré, la compagnie des vaches semblaient lui être bénéfique. Elle avait la voix gaie et pleine de malice.
Puis quelques petits détails m'ont intrigué, puis inquiété. Au milieu d'une conversation elle ajoutait un petit meuh. Elle utilisait des termes inappropriés.
– J'ai les naseaux secs.
– Je me gratte avec les cornes.
Je n'ai rien dit jusqu'à ce que les onomatopées deviennent plus fréquentes et que son vocabulaire soit de plus en plus adapté aux ruminants. Quand je lui en ai fait la remarque, elle a esquivé, disant que c'est parce qu'elle voyait les vaches par la fenêtre, qui sans doute la haranguaient (c'est le nom qu'elles utilisait).
-Tu sais , on se parle, on se comprend ! Tu ne peux pas savoir le bonheur qu'elle me donnent.
Moi j'imaginais qu'elle leur parlait comme à un chien ou un chat. Il est fréquent d'entendre le maître d'un chien ou d'un chat dire qu'ils se parlent et se comprennent.
Et puis les meuh, sous diverses formes ont pris le pas sur les mots. J'ai continué à lui téléphoner, en attendant la fin du confinement, dans l'espoir que tout ceci prendrait fin. Je me disais que la solitude lui tournait la tête, mais que tout rentrerait dans l'ordre très vite. Dès que j'ai pu, je suis allée la voir. Elle semblait heureuse de ma venue, mais elle n'a pas bougé, en me faisant signe de m’asseoir à coté d'elle. Face à une vingtaine de vaches, elle meuglait apparemment en suivant un livre de Le Clezio. Et elle y mettait le ton, ses meuglements étaient tout en nuances.
Je suis parti assez vite, j'étais secoué et angoissé. Je suis retourné la voir quelques jours plus tard. Elle gesticulait en soufflant très fort devant les vaches qui semblaient fort attentives.
Et je suis venu vous voir Docteur. Je suis dérouté, effrayé par son changement, comme vous devez vous en douter. Que faut-il faire ? Aidez-moi. J'aimerais qu'elle puisse rester chez elle.
Mon frère m’avait dit au téléphone qu’il les avait vus partir, depuis sa boutique, dès le début du confinement, malgré l’interdiction de rejoindre leur résidence secondaire. Ils avaient rempli le coffre de leur gros 4X4 noir de valises et de victuailles et avaient filé tôt le matin. Moi je me morfondais dans mon studio de banlieue en rêvant qu’un jour, bientôt, moi aussi je dormirais dans une chambre avec vue sur la mer. C'était l'occasion rêvée. L'enfermement, paradoxalement, m'avait donné des ailes. J’avais tout prévu : l’heure matinale de mon départ, les vêtements discrets, les tennis pour être à l’aise, j’avais même pensé à remplir une attestation de déplacement dérogatoire pour motif familial impérieux . on n’est jamais trop prudent, je ne voulais pas être contrarié par de mauvaises rencontres !
Je ne comprends pas. Tout s’est déroulé comme prévu, J’ai tout nettoyé, je n’ai laissé aucune trace. Qu’est-ce que je fais dans ce fourgon ?
L’individu s’est introduit par effraction dans l’appartement du deuxième étage de l’immeuble sis 7 avenue Klébert appartenant à Monsieur et Madame Jourdain. Après avoir fracturé la serrure, il a dérobé deux toiles de maître arrachées à leur cadre ainsi que des bijoux et objets de valeur. La femme de ménage des propriétaires nous a prévenus de l’effraction qu’elle a constatée en prenant son travail ce matin du 29 avril à 9h. Elle a notamment trouvé par terre, dans l’entrée, une attestation de déplacement dérogatoire remplie et signée par le prévenu, indiquant son nom et son adresse…
caroleTexte d'Heyliett : l’amour au temps du Corona
C’est le moment où jamais de m’y remettre, j’ai tout mon temps, malheureusement !
En cette période de confinement total, la solitude me pèse tous les jours davantage.
Après tout, qu’est-ce que je risque à recommencer, à l’abri derrière mon écran, il ne peut rien m’arriver.
Cela me fera une occupation moins dangereuse que d’aller faire quotidiennement mes courses et m’exposer à des rencontres virales.
Voilà, le mot de rencontre est lâché. C’est décidé, je vais me réinscrire sur un site de rencontres.
Ma dernière expérience a été calamiteuse ; je n’en parlerai donc pas tout se suite à mes enfants.
Ma fille me traiterait de folle. Mais si je n’ai pas rencontré l’homme de ma vie, j’ai fait la connaissance de quelques hommes qui sont devenus mes amis, en tout cas par écran interposé.
Après tout, dans ces temps troublés, c’est bien ce que chacun de nous fait régulièrement sur les réseaux sociaux : échanger plus ou moins amicalement avec des inconnus !
On verra bien, de toute façon, je ne les rencontrerai pas tout de suite. Le déconfinement va se faire très progressivement, et si l’heureux élu, s’il y en a un, est à plus de 100 km de chez moi. Il se passera de longues semaines avant que nous nous rencontrions.
Rien que de créer mon profil, de trouver des photos plus ou moins avantageuses où je pose seule, cela va me prendre des heures. C’est toujours ça de pris !
Hello frérot !
Loin de moi l’idée de te déranger, je sais qu’en cette période de crise, tu as d’autres chats à fouetter. Tes patients ont besoin de toi mais je m’inquiète pour une, peut-être, future patiente : notre mère. Figure-toi, qu’elle s’est mise en tête de s’inscrire à nouveau sur un site de rencontres. Elle a fini par me l’avouer lors d’une conversation téléphonique.
Souviens-toi de l’été, il y a deux ans, où elle avait invité, dans notre maison de vacances, un homme qu’elle n’avait jamais rencontré. Ils avaient juste échangé pendant plusieurs mois des emails et coups de fil. Sur les photos, il avait l’air très sympathique et comme tous les deux avaient l’air de bien s’entendre, j’avais proposé à Maman de l’inviter à nous rejoindre. Aussitôt dit aussitôt fait.
Mais le promis en question, quand il a débarqué du train, ne correspondait plus du tout à l’homme plein d’humour et dynamique qu’il prétendait être. C’était une montagne de plus d’un quintal voire deux qui avait du mal à se déplacer et qui répugnait au moindre effort qui le faisait suer sang et eau. La cohabitation est toute suite apparue impossible. Maman refusait de lui adresser la parole, elle se jugeait grugée. Un vrai cauchemar que tu as eu la chance de ne pas vivre.
Comment en plein mois d’août trouver une solution rapide pour le renvoyer ad patres ? Heureusement qu’il n’était pas radin ; il m’avait confié sa carte Gold. J’ai fini par trouver au bout de deux jours un billet d’avion, hors de prix, pour le ramener à Paris.
Son fils, qui devait le réceptionner, m’a envoyé un message pour me prévenir qu’il avait bien récupérer le colis !
Alors si tu pouvais essayer, tu es plus diplomate que moi, de trouver des arguments pour la dissuader de poursuivre sa recherche, je t’en serais très reconnaissante. Car, si elle échoue à nouveau, c’est à moi qu’elle téléphonera tous les jours pour se consoler.
Je t’embrasse et te remercie d’avance pour ce que tu pourras faire pour lui éviter une nouvelle déconvenue.
heyliettTa sœur qui pense beaucoup à toi,
Marie
Une copine récemment m’a donné un tuyau : un confinement de plusieurs semaines, c’est l’idéal
mitsoupour se remettre à la philo ! Relire Platon, Aristote, Voltaire peut-être, aussi Montaigne, et
Zola et Hugo, et puis Céline, d’autres encore ?
Je dévalise ma bibliothèque personnelle, les ouvrages s’entassent au milieu du séjour en piles
branlantes, il m’en manque mais la bibliothèque municipale est fermée, confinement oblige.
Réflexion faite, la durée du confinement, de toute façon, n’y suffira pas !
Donc, je change de tactique, heureusement les journaux regorgent de pages de jeux « remueméninges ».
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Ah, tiens : il se souvient de mon existence ! Pas trop tôt ! Cela faisait au moins cinq ou six
semaines qu’il nous avait laissés de côté, mon bout gomme et moi.
Môssieur passait son temps sur son ordi ! Môssieur jouait du clavier ! Résultat, même si le
« W », le « K » et le « H » vont bien, le « A » pâlit, le « S » s’estompe et le « E », le pauvre,
est complètement effacé.
Mais ça y est, il nous a repris en main, apparemment bien décidé à ne plus nous lâcher.
Dans un premier temps, toilette de printemps, il a bien frotté, nettoyé mon petit bout gomme
qui séchait dans son coin. Il a pris grand soin de me refaire la mine, retaillée bien nette (entre
nous soit dit, il ferait bien d’en faire autant à ses cheveux, sa tignasse hirsute réclame son
attention !).
Mots cachés, mots coupés, mots mêlés, mots fléchés, mots croisés, et sudoku, et takuzu, c’est
bien simple on n’arrête pas.
Marrant, le takuzu, les 0 et les 1 se succèdent, se placent à toute vitesse, on est bons làdedans. Le sudoku, moins : il est beaucoup moins véloce, il se trompe, il me fait écrire des
chiffres et puis il efface tout, rageusement, mon petit bout gomme grince, ça va pas !
Mais les mots, c’est quand même autre chose :
Il prend son temps, je l’entends murmurer, marmonner, il me laisse pointe en l’air, et puis tout
à coup il me met à contribution pour tracer quelques lettres, avec précision. Un temps de
réflexion, re pointe en l’air, direction un autre petit carré blanc sur la feuille, encore une ou
deux lettres…on circule, de gauche à droite et de droite à gauche, de bas en haut, parfois en
diagonale.
Ah : là, il a dû se tromper, il a besoin de mon petit bout gomme, il efface, on recommence.
Et ça peut durer des heures !
A sa compagne, il explique que ça lui fait du bien, d’abord ça ne fait pas de bruit, et puis ça ne
dérange personne, et il fait sa gymnastique cérébrale quotidienne.
Nous, on se dit que, à ce rythme-là, si le confinement se prolonge encore, il va avoir un
cerveau super musclé, carrément boddy-buildé !!
En attendant, s’il y en a des qui prennent des kilos superflus, moi je vois fondre mon petit
bout gomme à vue d’œil ! Et ma mine qui s’émousse, et lui qui la taille, la retaille, c’est que je
rapetisse terriblement, moi !
Alors, je vais vous dire ce que je pense, à l’heure qu’il est :
Vivement le déconfinement !!!
Amanda Ripley
Ma mère a disparu il y a quinze ans. Je ne l’ai jamais revue. Aujourd’hui, je viens d’apprendre qu’on a retrouvé sa trace, très loin d’ici, et qu’on a repéré l’endroit où elle a été aperçue pour la dernière fois. Alors j’ai tout lâché, immédiatement : télétravail, enfants, mari, et me voici devant cette lourde porte, prête à affronter l’inconnu, prête à résoudre quinze années de doutes et de questionnements. Un peu rouillée, la porte grince en coulissant. Devant moi s’ouvre un couloir, sombre et bas de plafond. Peu engageant, à vrai dire. J’entre. Il me faut progresser légèrement baissée. La visibilité est quasi-nulle. Une première, puis une seconde bifurcation apparaissent. Je dois choisir un chemin parmi un dédale de galeries. Maman, qu’est-ce que tu es venue faire ici ? Je ravale ma salive et dompte comme je le peux une claustrophobie naissante. De plus vastes couloirs se déroulent. Une lumière blanche filtre désormais à travers des persiennes, accompagnée de fins nuages de vapeur. Partout, un enchevêtrement de tubes, de tuyaux coudés, de boulons surdimensionnés, de grilles et de plaques tapissent ces couloirs métalliques. Des bagages abandonnés gênent le passage, valises ouvertes ou béantes dont le contenu se répand sur les plaques de chantier qui vibrent sous mes pas. Quelques salles, une petite cafeteria, un coin repas, apparaissent au détour d’un couloir. Leurs occupants ont déserté les lieux il n’y a pas si longtemps. La machine à café, oubliée, est restée allumée. Tasses et gobelets vides, plus ou moins renversés sur les tables, accumulés sur les mange-debout, se mêlent aux canettes et assiettes jetables. Je ne comprends pas où je suis. Un étau me serre la gorge. Une angoisse diffuse remonte de mon bas-ventre à mon thorax, appuie sur mes poumons. Je m’arme de courage et continue d’avancer, à la recherche de ma mère. Je suis venue ici pour ça, après tout. Un passage étroit, que je ne peux franchir qu’accroupie, progressant à quatre pattes comme un rat dans une conduite d’aération, arrive presque à m’anéantir. Et soudain, je débouche dans la salle principale de l’aéroport. Spectaculaire. Dimensions grandioses. Architecture réussie. Larges escaliers, tapis roulants, détecteurs rayons X, portes d’embarquement. Pas âme qui vive. Des indices d’abandon : graffitis sur les portes, panneaux publicitaires pâlis, bornes renversées, terminaux éteints. Les anciennes destinations sont encore affichées. Elles appartiennent à un passé proche, mais qui me semble pourtant lointain, témoins figés d’une époque disparue. Je balaye, saisie, la salle des yeux, puis bascule la tête en arrière. Les larges piliers du terminal principal de l’aéroport Sévastopol se ramifient en membrures délicates qui s’élancent vers le ciel et se croisent au sommet de la voûte céleste, comme dans une cathédrale de verre. À l’extérieur, la nuit. Une nuit étoilée, dans laquelle une multitude d’astres brille tels des joyaux déposés sur un velours noir, dense et somptueux. Je ne peux retenir mon émotion et l’exprime par un long waouh en direction de ce plafond étoilé.
Mickaël Bodaud
J’ai bien réfléchi avant de l’acheter. Presque toutes mes économies allaient y passer, je le savais, alors j’ai pesé le pour et le contre. Tout ce que j’avais mis de côté à la sueur de mon front pour mes vacances d’été. Mais la plage, il paraît qu’on pourra pas y aller. Et puis, les campings risquent d’être encore fermés en juillet à cause de ce maudit virus. Sans compter que deux mois passés avec mes parents, ça va, mes vieux sont cool, mais là j’en peux plus, vraiment. Lundi, le paquet est arrivé par la poste. Pas de Chine, heureusement, sinon je l’attendrais encore longtemps. Le packaging est superbe et la boîte noire d’un design extra. L’objet en lui-même est un vrai bijou, je ne vais pas le casser tout de suite, celui-là. J’ai passé trois jours à tout configurer et le meilleur moment de ces deux mois de confinement, je peux vous le dire, ça a été quand ma mère a voulu tester l’engin. « waouh », a-t-elle crié quand elle est arrivée dans le terminal de l’aéroport Sévastopol, son casque de réalité virtuelle sur la tête, debout entre le fauteuil Ikea, la télévision et le canapé, visage tourné vers le plafond du salon. Quand je pense que mes parents ont toujours méprisé les jeux vidéos, auxquels je joue depuis mes douze ans, trop violents à leur goût. Je n’ai pas résisté au plaisir de la prendre en photo, en flagrant délit, tiens, ça fera une preuve pour quand elle me critiquera. Ma mère, Christelle Bodaud, la quarantaine bien entamée, femme au foyer, a commencé sa mission en tant qu’ingénieur Amanda Ripley, à la recherche de sa mère sur le vaisseau Torrens, le plus sérieusement du monde. Je vous dis pas la tête qu’elle fera lorsque le premier alien lui tombera dessus. Faudra absolument que j’arrive à faire une photo à ce moment-là.
isabelle lebCAUCHEMAR
L'autre jour j'essayais de m'endormir en me répétant (merci Dr Coué )
LES PETITES BETES MANGENT PAS LES GROSSES ! On nous l'a assez répété étant gamins.
On a fini par le croire...Et voilà qu'un Covid(de sens?) nous prouve le contraire. Nous allons apprendre à réorganiser notre vie et ce ne sera pas la même qu'avant a prédit le docte barbu.
Sauf que le quotidien ne sera pas UN PEU différent, mais TRES différent...selon qu'on sera riche ou pauvre ! Ce discours est un air de violon destiné à rassurer les nantis qui n'auront plus à stocker du PQ ou des masques acquis par relations ou en fraude. Tandis que les autres, les ZOTRES, sans travail,sans argent, voire sans domicile, vont devenir miséreux,donc dangereux car ils auront du mal
à se nourrir eux et leur famille !
Les riches, les nantis, qui vivaient en ayant l'impression que les pauvres se trouvaient sur Mars,
vont s'apercevoir qu'ils vivent sur la même planète ! *
Et là, j'ai fait un cauchemar !
Les pauvres devenaient de plus en plus pauvres, et même s'ils ne mangeaient pas tous les jours, il fallait qu'ils se nourrissent...Et eux, les PETITS de la Société, de plus en plus nombreux,allaient manger les GROS ! Même les végan...Rien ne peut arrêter un peuple qui a faim !
Je les voyais déjà, découpant leurs gilets JAUNES, en carrés de 20x20, sortant des élastiques...
Ils étaient solidaires quand ils pensaient que les riches et les pauvres étaient dans la même situation face au virus, mais là...
Je me réveillait en hurlant :
PLANQUEZ VOUS LES NANTIS ,VOICI LES MASQUES JAUNES !
Bernard* voir « Charlot déprime » - Ed. Librio -page 115...quel hasard .