La chute inattendue

 « Mon Dieu! Dolfi, qu'est-ce que tu as fait ? »  Elle ne lui demandait pas ce que les autres lui avaient fait mais ce qu'il avait fait, lui.

Instinctif dépit de la brave ménagère qui voit un vêtement complètement perdu.

Mais il y avait aussi l’humiliation de la mère : quel pauvre homme deviendrait ce malheureux bambin? Quelle misérable destinée l’attendait ? Pourquoi n'avait-elle pas mis au monde, elle aussi, un de ces garçons blonds et robustes qui couraient dans le jardin ? Pourquoi Dolfi restait-il si rachitique? Pourquoi était-il toujours si pâle? Pourquoi était-il si peu sympathique aux autres? Pourquoi n'avait-il pas de sang dans les veines et se laissait-il toujours mener par les autres et conduire par le bout du nez? Elle essaya d'imaginer son fils dans quinze, vingt ans. Elle aurait aimé se le représenter en uniforme, à la tête d'un escadron de cavalerie, ou donnant le bras à une superbe jeune fille, ou patron d'une belle boutique, ou officier de marine. Mais elle n'y arrivait pas. Elle le voyait  toujours assis un porte-plume à la main, avec de grandes feuilles de papier devant lui, penché sur le banc de l'école, penché sur la table de la maison, penché sur le bureau d'une étude poussiéreuse. Un bureaucrate, un petit homme terne. Il serait toujours un pauvre diable, vaincu par la vie.

  « Oh! le pauvre petit! » s’apitoya une jeune femme élégante qui parlait avec Mme Klara.   Et secouant la tête, elle caressa le visage défait de Dolfi.   Le garçon leva les yeux, reconnaissant, il essaya de sourire, et une sorte de lumière éclaira un bref instant son visage pâle. Il y avait toute l'amère solitude d'une créature fragile, innocente, humiliée, sans défense; le désir désespéré d'un peu de consolation; un sentiment pur, douloureux et très beau qu'il était impossible de définir. Pendant un instant - et ce fut la dernière fois -, il fut un petit garçon doux, tendre et malheureux, qui ne comprenait pas et demandait au monde environnant un peu de bonté.   Mais ce ne fut qu'un instant. 

« Allons, Dolfi, viens te changer! » fit la mère en colère, et elle le traîna énergiquement, à la maison.   Alors le bambin se remit à sangloter à cœur fendre, son visage devint subitement laid, un rictus dur lui plissa la bouche.

 « Oh ! ces enfants! quelles histoires ils font pour un rien! s'exclama l'autre dame agacée en les quittant. Allons, au revoir Madame Hitler ! »

 Dino BUZZATI, « Pauvre petit garçon », in Le K, 1966

Ecrire une chute pour ce début de récit

Sous prétexte que je suis douce et fine, un être délicat, il ne veut pas m'apprendre. Enseigner c'est donner. Il est égoïste et mesquin. Quand je l'ai épousé ma mère m'avait prévenue, Un plouc qui se prépare à tout diriger, à jouer au grand chef. En ce temps-là ma mère me tapait sur les nerfs. Ce qu'on projetait lui et moi elle ne cessait d'y trouver à redire. La complicité entre nous deux oh j'y croyais. Pour le meilleur et pour le pire. Nous serions unis à jamais dans toutes nos entreprises. Certes il accepte mon aide, même il la demande pour les questions de choix, de sélection, c'est un tueur qui ne tue pas au hasard. Je tiens les livres, je remplis les colonnes. Ça coule de source je suis douée pour les comptes. J'aimerais mieux voir le sang couler. Si j'insiste il argumente, Les femmes se croient très fortes et au dernier moment elles craquent, elles s'évanouissent. Je proteste. Violemment. Il se fâche il crie, Va te faire pendre ailleurs. Je réponds que lui n'a rien à craindre, il ne vaut pas la corde pour le pendre. Avec dans ma rancoeur un manque évident de logique j'ajoute, gibier de potence.