Mémoire d'odeur
12 avr. 2019
Par carole lacheray - Ecrire avec les cinq sens, quatrième proposition, - Lien permanent
Des mots pour évoquer des souvenirs d'odeur
Sentir une odeur suffit à nous transporter autre part, à un moment de notre vie en quelques secondes
« Ce fut le dimanche matin, vers mes neuf ans, que m’arriva dans le demi-sommeil de l’aube ce signe de la différence des hommes.
Mon père entrait doucement dans la chambre où je dormais avec ma sœur, se penchait vers moi et m’embrassait légèrement pour ne pas me réveiller. Et l’odeur me submergeait. Je ne savais ni la nommer ni l’analyser mais je la reconnaissais. C’était celle de sa veste de chasse, de son passe-montagne de laine, de tous ces vêtements de toile épaisse, usés et délavés qu’il portait de dimanche en dimanche d’automne et d’hiver, de l’ouverture à la fermeture, sans qu’entre-temps ils fussent lavés.
(…)
J’aimais chacune de ces odeurs. Pourtant je n’en aurais pas voulu pour moi, mais je les aimais au point de les chercher sur la veste de grosse toile usée quand j’ouvrais la penderie. Car, cette odeur-là, je la plaçais au-dessus de toutes, elle était de loin la plus excitante. Un des premiers hommes dont je tombai amoureuse était toujours vêtu de velours et sentait le matin de chasse. Peut-être n’était-il pas très soigné. J’eus l’imprudence de lui dire — c’était de ma part un compliment mais il ne pouvait le savoir — qu’il m’évoquait le « lapin de campagne ». C’est peut-être à cause de cela qu’il y eut entre nous ce grand froid qui précéda un ratage définitif. »
Du côté des hommes de Marie Rouanet (Albin Michel, 2001)Ecrivez le souvenir qu'évoque pour vous une odeur...
Commentaires
Il est dans son lit, par la fenêtre ouverte, il perçoit la légère activité matinale. L’odeur du lit où son chat a séjourné le maintien dans un bienêtre assumé. Puis lentement, lui parvient l’odeur du pain grillé.
BrigitteIl redevient jeune garçon.
Il s’éveillait doucement aux bruits éloignés de sa mère préparant son petit déjeuner. il attendait, il savait que bientôt le pain rassis se transformeraient en succulentes tartines, dégageant des odeurs propres à éveiller l’appétit de tous les endormis.
Il se levait sans trop se presser, savourant à l’avance le moment où il serait enveloppé de l’odeur réconfortante. Il le toucherait ce pain grillé cherchant à garder toute la journée sur ses doigts d’écolier l’odeur adorée.
Il y a très longtemps, dans ma ferme d’enfance, j’étais la seule fille et on ne m’acceptait pas souvent sur les machines agricoles. J’y allais quand même et j’adorais laisser couler entre mes doigts les grains blonds et chauds du blé fraîchement moissonné qui tombaient dans les sacs de jute.
LucetteOh! Cette odeur de blé!
Plus tard, dans le magasin, le blé était entreposé et formait un énorme tas, comme une petite montagne. On avait interdiction d’y monter. Mais, bien sûr, dès que mon père avait le dos tourné, on escaladait, on plongeait dans le tas mouvant et on se laissait glisser jusqu’en bas.
Quel bonheur, quelle douceur, quelle odeur, quel plaisir d’une interdiction transgressée!!!!
Pour prolonger le plaisir de l’odeur, on croquait quelques grains de blé qu’on mâchait longuement jusqu’à l’obtention d’une boule visqueuse...notre « chewing-gum « de blé à nous.
Je n’ai plus jamais eu l’occasion de retrouver ce parfum et ce goût, mais mon cerveau, lui, ne l’a jamais oublié.
En prenant l’escalier, l’odeur de la cire me prend à la gorge.
HeylietteLe cœur bat plus vite et je dévale plus de 40 ans.
J’ai encore mes nattes, peut-être 15 ans.
Sous le prétexte fallacieux d’une version grecque intraitable, je m’invite chez mon voisin.
Tout à l’heure, je sais qu’il sera là. Lui ne fait pas de grec mais il a les yeux verts de mes rêves et un sourire moqueur qui me chavire.
La patate douce était blanche. Sa peau, mauve comme celle de ses congénères, mais sa chair, blanche, au lieu de cet orange vif normalement attendu. Je la pelai, la découpai en cubes et la mis dans le cuisson vapeur. Quelques minutes plus tard, l’eau bouillait, je revins à la cuisine baisser le feu. Une buée s’échappait de la casserole et un trouble infime me saisit. Les murs de la cuisine s’espacèrent. Leur blanc me parut moins blanc, plutôt beige en fait, et mon cœur s’accéléra. Que se passait-il ? J’étais comme certains matins, au réveil, prête à saisir un rêve qui s’échappait, me fuyait et s’évaporait dans le présent. Sur le point de comprendre quelque chose, mais quoi ? Je m’approchai de la casserole, levai le couvercle, fermai les yeux au-dessus des petits cubes blancs et humai. Agnès apparut. Avec son pilon de bois, son pagne Wax, sur le carrelage vert de la grande cuisine abidjanaise. Elle préparait le foutou pour les enfants, pilait le tubercule, mouillait puis malaxait la pâte blanchâtre. Je m’étais trompée, ce jour-là, au magasin bio, et avais acheté une racine d’igname.
Isa Lebastard
Isa Lebastard