Qu’il est bon de se soulager l’esprit en écrivant ses rancoeurs. C’est aussi une des fonctions d’un journal intime.

A l’exemple d’Umberto Eco, à propos des chauffeurs de taxi italiens, dans comment voyager avec un saumon :

 À l’instant même où l’on monte dans un taxi, se pose le problème d’une bonne interaction avec le chauffeur.

Le chauffeur de taxi est un individu qui passe sa journée à se faufiler dans la circulation urbaine — activité qui mène soit l’infarctus, soit au délire paranoïaque — en conflit avec les autres conducteurs humains. En conséquence de quoi, il est nerveux et abhorre toute créature anthropomorphe. Cela fait dire au radical chic que les chauffeurs de taxi sont tous des fachos. Faux. Le chauffeur de taxi se contrefiche des problèmes idéologiques, il hait les défilés syndicaux, non pour leur couleur politique mais parce qu’ils paralysent le trafic. Il vouerait aux gémonies une manif de la Cagoule. Tout ce qu’il demande, c’est un gouvernement fort qui colle au mur l’ensemble des automobilistes privés et instaure un couvre-feu raisonnable de six heures du mat à minuit. Il est misogyne, mais avec les femmes qui sortent. Celles qui restent à la maison pour éplucher les patates, il les tolère.

Ou Cavanna, coups de sang :

La publicité s'adresse aux imbéciles. Et aux brutes. Toujours. Elle ne fait pas le détail. Elle ne peut pas. Elle doit obtenir l'effet maximum sur le plus grand nombre. [...] La publicité est le plus puissant des agents de nivellement par le bas ou, pour parler plus cru, d'abrutissement du populo.

Le mauvais goût ne lui fait pas peur. Le mot est faible quand il s'agit des réclames des fabricants de cochonailles, conserves de viande, enfin de tout ce qui touche à la bouffe. On y voit des cochons hilares, des boeufs heureux, des agneaux bouclés proclamant bien haut leur joie d'être dévorés sous le label de telle ou telle marque, ou assaisonnés avec telles ou telles épices.

"Que Maille qui m'aille !" proclame le boeuf, riant à gorge déployée. Il n'a pas plus la trouille du calembour merdeux (la forme la plus méprisable de ce qu'on ose appeler "l'esprit") que des mâchoires des dévorants, le brave boeuf ! Il est fou de joie à l'idée que ses morceaux de choix seront assaisonnés par cette moutarde haut-de-gamme ! Et le "logo" de Fleury-Michon, ce cochon rose qui cligne de l'oeil au gourmand, comme une pute racolant sur le trottoir ! Encore ne fait-elle que prêter son cul pour un petit moment, la pute. Il n'est pas question de la débiter en saucisses.

 

 

 

Votre diariste rédige son billet d’humeur du jour, par exemple, sur les petits chefs, les touristes, les écrivains, un sujet susceptible d’exaspérer le personnage que vous avez créé