Silences bavards...
25 avr. 2024
Par carole lacheray - Le silence - Lien permanent
Et vous, quel silence collectionnez- vous ?
Deux exemples :
Quand le silence angoisse, par Giono
On a senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable : le silence. Il était monté de toute part, se serrant de plus en plus contre vous : et pour finir s’y était établi comme pour toujours dans sa plénitude. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d’hommes, où l’homme n’apparaît que temporairement : alors, pour peu que l’homme ne soit plus là, ou bien que par hasard il reste silencieux lui-même, on a beau prêter l’oreille, on entend seulement qu’on n’entend rien. On avait beau écouter maintenant : c’était comme si aucune chose n’existait plus nulle part, de nous à l’autre bout du monde, de nous jusqu’au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide : une cessation totale de l’être, comme si le monde n’était pas créé encore, ou ne l’était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et il y a comme une main qui se referme autour de votre cœur.
Quand le silence apporte l’apaisement :
Nana, Zola,
La salle n’était pas encore vide qu’elle devint noire ; la rampe s’éteignit, le lustre baissa, de longues housses de toile grise glissèrent des avant-scènes, enveloppèrent les dorures des galeries ; et cette salle, si chaude, si bruyante, tomba d’un coup à un lourd sommeil, pendant qu’une odeur de moisi et de poussière montait. Au bord de la loge, attendant que la foule se fût écoulée, la comtesse Muffat, toute droite, emmitouflée de fourrures, regardait l’ombre.
Un silence profond s’était fait, alourdi encore par la grosse chaleur du coke et le flamboiement de becs de gaz. Plus un bruit ne montait des coulisses. L’escalier et les couloirs semblaient morts. C’étaient une de ces paix étouffées de fin d’acte, lorsque toute la troupe enlève sur la scène le vacarme assourdissant de quelque finale, tandis que le foyer vide s’endort dans un bourdonnement d’asphyxie.
Décrivez un lieu et un moment réel, ou imaginé, où le narrateur, raconte un moment de silence intense et ce qu’il provoque.
Commentaires
Un moment de silence intense
Voilà, la décision politique a été prise, les déplacements motorisés sont interdits, l'utilisation d'engins à moteur suspendue. Tous ces bruits se sont tus. Plus que le silence c'est un certain calme étonné qui s'installe peu à peu. On sourit aux chants d'oiseaux, on est ravi par les cris enfantins, le bruissement des feuilles dans le vent nous charme, on remarque le frottement énergique d'un balai sur une terrasse. On a beau écouter, tendre l'oreille notre quotidien sonore a disparu.. Sous cet émerveillement pointe la sourde angoisse d'un réaccoutumance inconnue. On oscille entre joie et crainte d'un futur trop rude. Dans cet univers délicat tous les sons semblent trop puissants. On finit par ne plus oser tourner les pages d'un livre, par retenir une toux intempestive, par choisir des chaussures silencieuses, par privilégier les gestes à la parole.
brigittePourtant, un jour, un homme ose entamer un chant doux et énergique. Tout mouvement s'arrête. Le chant est beau, profond, la voix donne le frisson. On comprend : la vie est sonore, productrice de chuintement, grésillement, clapotis et autre grondement. Cette révélation nous permet d'être bruyants avec modération et de laisser libre-court aux émotions porteuses de l'élan vital qui ouvre la voie à un avenir serin.