Souvenirs...
14 oct. 2022
Par carole lacheray - Souvenirs d'enfance - Lien permanent
Souvenirs d'enfance
Parfois, seuls des sons, des images brèves, des odeurs, des sensations corporelles reviennent subrepticement (de manière fugace et discrète).
A la manière de SUZANNE DRACIUS : «Les sorbets de l’enfance, écrivez ce que peuvent être pour vous ces réminiscences.
J’ai quatre ans et trottine sur les étroits trottoirs de ma tropicale ville natale en compagnie de mon cousin Frantz, à Fort-de-France. Il me donne la main, c’est un grand. Nos parents nous ont conduits au centre-ville en Traction Avant Citroën – que Frantz prononce « citoyenne », à la créole. On va acheter des glaces Montier, les meilleures de Martinique – après celles de feu mon grand-père maternel Homère Pierre-François, « à la rue » Isambert, naguère…
J’ai six ans et, volcanique, je déteste qu’on me prenne la main, j’aime trop mon indépendance, marronne, déjà. Mais là je suis avec mon cousin Frantz qui porte, à la mer, des palmes et un « max ». Pas un maximum, un masque de plongée. Mais Frantz appelle ça un « max », à la créole. Je le tiens par la main, il est grand. Il a quatre ans de plus que moi. Nous descendons en ville de Redoute, quartier La Ferme, acheter des glaces Montier, les plus renommées de toute l’île, à l’instar des glaces stars de l’Île Saint-Louis que j’ai goûtées à Paris, avec, au bout de la langue, la nostalgie des sorbets de Fort-de-France. Là, je les ai, au bout de ma langue, pour de vrai. Je découvre la volupté. Inconsciemment, je m’initie à une suave sensualité. Je m’applique, sans en perdre une goutte, à bien les lécher tout autour, bien les licher, ou les nicher, comme dit Frantz, à la créole. En dépit des ordres de Manman, j’écrase, pour plus de confort, le contrefort de mes espadrilles ; j’ai refusé de les enfiler convenablement, microscopique marronnage, je désobéis, je m’obstine à ne pas les mettre bien comme il faut pour être une petite fille « bien comme il faut ». La plante de mes talons les écrabouille, elles sont complètement avachies, je m’en fiche que ça fasse négligé, je risque de les perdre, de temps en temps, sur les trottoirs chaotiques, c’est infernal, mais je suis aux anges.
Commentaires
J’ai 5 ans. C’est mon anniversaire. Nous partons nous promener dans la campagne autour de la maison. Ma main est blottie dans la grande de mon père. Il me dit: « C’est un grand jour. Tu as 5 ans et aujourd’hui, la guerre est finie ».
LucetteJ’ai 7ans. Papa me dit: » Tu es une grande fille, tu vas apprendre à lire ». J’ai la gorge serrée. Je rentre en pension et je sais que ça durera longtemps.
J’ai 16 ans. Papa me conduit à l’Ecole Normale. Je sais qu’il est fier de moi. Mais…c’est encore une pension….mais dans une grande ville cette fois.
J’ai 19ans .Sur le pont du paquebot qui m’emmène vers le pays de mes rêves, la France, je n’arrive pas à être triste, la vraie vie va commencer pour moi. A mes côtés, Papa regarde s’éloigner les côtes du pays qui l’ont vu naître. Il a des larmes dans les yeux.