Instants fugaces
14 oct. 2022
Par carole lacheray - Eclats de vie - Lien permanent
« des bribes de phrases happées au passage, des scènes filmées à la dérobée lors d’une promenade, dans des endroits publics, quais de gare, wagons de métro, places de marché, plages. Parfois c'est simplement un bruit, un graffiti…. »
On remarquera la brièveté des phrases, l’utilisation du présent signifiant la capture d’un moment pour le savourer peut être encore ultérieurement.
Extrait de la nouvelle Aller aux mûres, dans le recueil La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules de Philippe Delerm
[…] Chacun s’est muni d’une boîte en plastique où les baies ne s’écraseront pas. On commence à cueillir sans trop de frénésie, sans trop de discipline. Deux ou trois pots de confiture suffiront, aussitôt dégustés aux petits déjeuners d’automne. Mais le meilleur plaisir est celui du sorbet. Un sorbet à la mûre consommé le soir même, une douceur glacée où dort tout le dernier soleil fourré de fraîcheur sombre.
Les mûres sont petites, noir brillant. Mais on préfère goûter en cueillant celles qui gardent encore quelques grains rouges, un goût acidulé. On a vite les mains tâchées de noir. On les essuie tant bien que mal sur les herbes blondes En lisière du bois, les fougères se font rousses, et pleuvent en crosses recourbées au-dessus des perles mauves de bruyère. On parle de tout et de rien. Les enfants se font graves, évoquent leur peur ou leur désir d’avoir tel ou tel prof. Car ce sont les enfants qui mènent la rentrée, et le sentier des mûres a le goût de l’école. La route est toute douce, à peine vallonnée : c’est une route pour causer. Entre deux averses, la lumière avivée se donne encore chaude. On a cueilli les mûres, on a cueilli l’été. Dans le petit virage aux noisetiers, on glisse vers l’automne. […]
Commentaires
Superbe road trip dans l’Ouest des États Unis.
LucetteNos enfants nous disent: « Nous allons marcher un peu mais il n’y a rien à voir. »
Il fait très chaud.
Au bout du chemin caillouteux sur ce plateau, une vaste dépression s’ouvre devant nous. Rien à voir? Je suis ébahie, éblouie par le spectacle. Des milliers de roches roses graciles et presque translucides s’élèvent vers nous en dessinant des colonnes, des ponts, des arches, des personnages. Pas de bruit si ce n’est les « oh!!!! » émerveillés des touristes. Je suis comme ces roches, pétrifiée par tant de beauté. Le ciel même retient son souffle, et le soleil partage son ombre avec parcimonie. Chapeau Dame Nature.
L’eau fraîche de ma gourde est bienfaisante. On ne sent rien, on n’entend rien. Tout est pierre.
Nous sommes à Bryce Canyon en Utah.