Vos nouvelles après l'atelier "polar"
24 avr. 2024
Par carole lacheray - polar - Lien permanent
Celle de Michel :
Le trompette entre en transes
Amandine dans son uniforme disparaissait derrière son tuba.
L’orphéon municipal de Bazire-sur-Ruinart défilait, le pas si lourd que
le sol vacillait sous la brume épaisse. Aimé glissa dans la boue mais
réussit dans sa chute à protéger sa trompette. A ses côtés Rémi le
second trompette, s'évertuait, comme à son habitude à saccager
l’harmonie de l’harmonie. Il jouait si faux qu’une simple, “Marseillaise”,
se transmuait inévitablement en lamentable et cachectique lamento
dodécaphonique.
“C’est fini” dit Aimé, le professeur de physique du lycée en se
relevant.
“Thierry, je n’en peux plus. Je vais quitter le groupe!” lui dit-il.
Thierry sursauta, depuis 12 ans il dirigeait la fanfare. Il désirait la faire
bouger, lui faire accepter la matchiche, la polka, le tango, le paso
doble, le new-orleans et le rock, pourquoi pas? La fanfare était son
bien le plus précieux.
“Tu plaisantes?
- Non, je suis dans la troupe pour la musique, pas pour la
ribouldingue. Il y a un ennemi dans nos rangs, Thierry. Un ennemi
mortel qui ne défile avec nous que pour les femmes en mal
d’admiration, et pour l’apéro de la mairie.
- Oui, je sais. Rémi est notre boulet.
- Mais, Thierry, tu te rends compte que si nous ne faisons rien,
l'orchestre est mort?”
Après s’être imposé un silence, Thierry murmura à Aimé, bouche de
biais, comme s’il avait peur de se parler à lui-même.
“Aimé, je n’ai pas de solutions.
- Tu te rends compte que dix personnes vont mourir d’asphyxie
musicale? Que ce sont leurs derniers souffles?
- Tu exagères un peu non?
- Ah, oui? Et Amandine notre irremplaçable tuba, Antoine notre
excellent saxophoniste, et Georges la grosse caisse, et Henriette qui
tient sa clarinette comme une canne de midinette, et Bertrand le
ranplanplan et les autres?”
Il était midi et demi, leurs pensées sombres les menaient vers le
Chant du Jour, le vaillant et l’un des derniers café-restos du centre de
Bazire-sur-Ruinart.
“Bazire-sur-Ruinart, c’est-un des Plus Beaux Villages de France!”
avait déclaré Stéphane Stern à l’issue d’une de ses visites de
prospection.
Les rejoignant, Antoine leur dit “Non, les gars. Pourquoi s’obstiner?
C’est la fin!
- Non, comme je le disais à Thierry, la fin importe des moyens.
- Tiens,tiens tu as une idée?
-Oui, peut-être…
- Alors?
- Alors, je ne sais pas . BWV 80 ou 239, sans doute.”
Au restaurant du “Chant du Jour, l'assemblée portait maussade.
Le menu du jour pourtant ne poussait qu'à la stimulation salivaire
auvergnate ou à celle du horla.
Georges était déjà attablé et faisait sombre tête. Il ronchonna:
“Sans rire, je n’ai pas faim”.
En s’asseyant, Henriette le poussa affectueusement de l’épaule.
“Giorgio, fils maudit, tu n'es pas sérieux!
- Bien sûr toi, ta mélodie nous a soudé malgré tout. Mais pour moi, c'est
une exigence physiologique personnelle. Chaque fausse note de Rémi me
raidit la nuque et me gèle le bassin, alors conséquence… mon contretemps
bien sûr. Qu’est ce que je fais avec vous , du 49.6 avec désaccord de notre
Assemblée? Non, pas question que ça continue, je vais lui donner un coup
ces coups de baguette dont il n’aura pas l’occasion de se souvenir!
Thierry, allez, avoue que le groupe n’a plus d’avenir possible!
- Non, je n’aurai pas de cachotterie. Le Conseil Municipal a décidé que
nous ne pourrions plus jouer que les Sonneries aux Morts . Donc pas plus
de trois à quatre sorties par an!”
Marianne, la dernière arrivée choisie pour son enjouement et sa virtuosité à
la flûte traversière leur dit aigrement
“ - Et de plus, il a la manie de nous pincer les fesses en nous traitant de
sous-fifres! J’adorerais lui taquiner la glotte avec ma flûte…”
Et moi dit Henriette:
“ Ma clarinette je lui enfonce dans le pavillon de sa trompette”
Même la timide Amandine s’insurgea:
- Rémi joue faux mais le pire, c’est qu’il est faux, archi-faux!! Je l’ai vu
s'acharner à coups de pied sur le chien à moitié paralysé de Gelbot le
cordonnier!”
Alors qu’ils plantaient leurs fourchettes dans le pâté en croûte, la tablée
déclara Rémi définitivement impardonnable. Et elle ne parlait pas à la
légère….
Quelques soirs plus tard et plus sombres l’orchestre se retrouva au
complet lors de la réunion du Conseil Municipal lorsque la décision
concernant l’orchestre fut annoncée officiellement.
Plus tard l’assemblée se pressait autour du bar, et,dans le brouhaha qui
suivit,
Aimé s’approcha de Rémi et lui dit à l’oreille
“ - Allez goûte moi cà, de la prune de trente ans, respire, ça va te remonter
le moral!
“- Ahhh, et bien çà , çà, cette prune là, elle m'envoie au ciel
Il regagna la table un grand sourire aux lèvres.
Il s’assit lourdement et,brusquement, Rémi se mit à pouffer, à s’étouffer
de rire
“C’est trop drôle, plus que quatre sorties?
-Quatre par an! Non, ah mais non, non non!.C'est à mourir de rire
Tel un kaleÏdoscope, son visage hilare changeait à chaque instant, du
rouge au violet, du mauve au vert, du marron d’IInde au beige taupé, au
gris figé définitif, véritablement définitif.
Le lendemain, Thierry anxieux demanda à Aimé:
“ - Alors comment as-tu fait ?
- Il m’a fallu utiliser les deux.
- Les deux quoi?
- Gaz
- Quoi?
-BWV 80 et 139.
- C’est vrai ça rend joyeux
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Un an plus tard ( car, pour sauter cent pages, c'est la meilleure ficelle pour
ne pas,endormir les lecteurs ou la lectrice) , l’orchestre, car c’en était
devenu un,s’était trouvé un nom.
“Les Bataves” pour souligner son étrangeté et son tellurisme.
Après quelques bals-musette, des soirées dans les boîtes de nuit des
villages environnants, un passage remarqué au festival cantonal “Dansez
avec moi”, qui lui avait valu une brève séquence sur France 2 régional.
Et puis tout s'était accéléré avec le retour de Stéphane Stern et la
consécration suprême de Bazire -sur Ruinart , oui, comme l’un des “Plus
Beaux Villages de France”; La soirée télévisée de ce triomphe donna aux
“Bataves” l’occasion de se faire remarquer à plusieurs reprises. Leur
premier CD fut tiré à un million d’exemplaires , et bientôt ce fut l’apothéose
du disque de platine.
Aux dernières nouvelles, que dit Aimé de la morale de cette nouvelle?
“La musique, chacun fait comme il l'entend...
Celle de Josefa :
C'est une gentille vieille femme assise devant l'immensité de la mer et du ciel, elle écoute le clapotis des vagues qui la berce. Elle tient une lettre à la main, qui lui annonce une nouvelle qui l'aurait soulagée avant mais qui ne la touche plus aujourd'hui.....
Alors elle se souvient, elle n'a pas oublié elle l'avait seulement enfoui bien au fond de sa mémoire :.
Elle était devant sa glace elle avait coupé ses cheveux pour se donner du courage, maintenant elle ne pouvait plus faire marche arrière (il ne voulait pas qu'elle ait les cheveux courts) elle avait peur, elle se préparait à partir avec juste un sac rempli de vêtements profitant de son absence pour le weekend. Prétextant un match de football avec les copains en province, il ne devait pas revenir avant deux jours. Au moment où elle ouvrit la porte, il était devant elle avec son visage crispé et hargneux, il la poussa vers l'intérieur, elle tomba, se releva, il la traina sur le sol lui donnant des coups de pied dans le ventre, elle réussit à se relever et profitant qu'il était de dos et qu'il s'était baissé, elle attrapa une poêle et le cogna de toutes ses forces plusieurs fois, il s'ecroula, du sang coulait sur son visage. Alors sans réfléchir elle prit son sac et partit en courant, elle atteignit le porche (ils habitaient une ancienne ferme au rez de chaussée et au fond d'une grande cour) tourna à gauche pour attraper le bus qui arrivait, quand une voiture klaxonna puis s'arrêta, c'était sa voisine du dessus Martine, qui connaissait le calvaire qu'elle vivait, elle entendait le bruit des cris et des chutes, elle l'emmena à la gare, Martine l'emmena à la gare où elle prit un train pour ne plus revenir.
Avec l'aide de sa famille elle put traverser l'océan et s'installer dans ce pays jusqu'à ce jour.
Était il mort? Plus d'un demi-siècle plus tard une lettre lui apprenait son décès d'une crise cardiaque, elle n'a pas réagit, pourtant quelques mois après sa fuite, elle craignait de le rencontrer au détour d'un chemin.