Polar, deuxième proposition
19 oct. 2021
Par carole lacheray - Scène de crime - Lien permanent
Scène de crime
Le brouillard inquiétant du Londres de Conan Doyle, les lumières du Montréal nocturne de Bouthillette, les rues pittoresques du Paris de Simenon et les sites grandioses de la Normandie lupinienne…et si votre polar se situait à Trouville ?
Choisissez un lieu, puis décrivez la scène de crime que vous aurez imaginée…
Dans cet extrait, on remarquera la façon dont la description commence par un plan large puis de plus en plus rapproché, le vocabulaire utilisé crée une ambiance sinistre qui annonce progressivement le crime…sombre, douloureusement, désespérance, plaintifs, linceuls….
En face, se dressait le grand massif rougeâtre des îles. Les deux rives, d'un brun sombre taché de gris, étaient comme deux larges bandes qui allaient se rejoindre à l'horizon. L'eau et le ciel semblaient coupés dans la même étoffe blanchâtre. Rien n'est plus douloureusement calme qu'un crépuscule d'automne. Les rayons pâlissent dans l'air frissonnant, les arbres vieillis jettent leurs feuilles. La campagne, brûlée par les rayons ardents de l'été, sent la mort venir avec les premiers vents froids. Et il y a, dans les cieux, des souffles plaintifs de désespérance. La nuit descend de haut, apportant des linceuls dans son ombre.
Les promeneurs se taisaient. Assis au fond de la barque qui coulait avec l'eau, ils regardaient les dernières lueurs quitter les hautes branches. Ils approchaient des îles. Les grandes masses rougeâtres devenaient sombres ; tout le paysage se simplifiait
dans le crépuscule ; la Seine, le ciel, les îles, les coteaux n'étaient plus que des taches brunes et grises qui s'effaçaient au milieu d'un brouillard laiteux.
Camille, qui avait fini par se coucher à plat ventre, la tête au-dessus de l'eau, trempa ses mains dans la rivière.
«Fichtre! que c'est froid! s'écria-t-il. Il ne ferait pas bon de piquer une tête dans ce bouillon-là. »
Laurent ne répondit pas. Depuis un instant il regardait les deux rives avec inquiétude ; il avançait ses grosses mains sur ses genoux, en serrant les lèvres. Thérèse, roide, immobile, la tête un peu renversée, attendait.
La barque allait s'engager dans un petit bras, sombre et étroit, s'enfonçant entre deux îles. On entendait, derrière l'une des îles, les chants adoucis d'une équipe de canotiers qui devaient remonter la Seine. Au loin, en amont, la rivière était libre.
Alors Laurent se leva et prit Camille à bras-le-corps.
Émile ZOLA, Thérèse Raquin
Commentaires
Il savait qu'à Paris il pleuvait, ici le soleil brillait, l'air était guilleret, les lumières s'étiraient, douces. Tout semblait baigner dans un philtre de bonheur. Le train ralentit et s'arrêta dans la gare de Deauville aux nombreux quais inutilisés, témoins d'un glorieux passé.
BrigitteUne joie profonde l'envahit. Il se sentait léger, soulagé.Il était heureux d'avoir à marcher. Il traversa le pont des Belges. C'était marée basse, les goélands discutaient bruyamment.Il leur sourit, Il longea le quai Fernand Moureaux, regrettant de n'avoir pas pris le chemin des écoliers pour prolonger son trajet.
Il arriva devant la poissonnerie et prit le temps d'admirer les étals, le gris des dorades, le rose des crevettes, le moiré des maquereaux.Des vendeurs l'apostrophaient, des touristes dégustaient des fruits de mer accompagnés d'un verre de vin blanc. L'envie lui vint de se mêler aux touristes et de se laisser envahir par la beauté de cette fin d'après-midi ensoleillé.
Il s'apprêtait à traverser le boulevard, c'est alors que son regard tomba sur la voiture grise.
Ainsi ils l'avaient suivi, ils étaient déjà là. Il s'engagea sur la chaussée, la voiture vrombit, le sang gicla.
En cette douce matinée de printemps, le train entra en gare de Deauvill-Trouville.
LucetteUn couple âges en descendit et en traînant un vieux chien boiteux, ils se dirigèrent vers Trouville. L’air était tiède et la Touques s’écoulait lentement vers la haute mer. La ville s’éveillait. Les étals des poissonniers offraient des merveilles aux passants. Un balayeur poussait les déjections des goélands d’un balai peu coopératif.
Le couple s’engagea sur le jetée. Arrivés près du phare, ils s’arrêtèrent. Sans un mot, ils laissèrent leurs yeux glisser vers le large. Puis ils défirent la laisse du chien, le prirent dans leurs bras, le caressèrent doucement et en pleurant le balancèrent dans la mer qu’il aimait tant.