Polar, troisième proposition
19 oct. 2021
Par carole lacheray - Meurtrier de plume - Lien permanent
Meurtrier de plume
Je vous propose d’imaginer le meurtre que vous (votre personnage !) commettriez par exaspération, cupidité, passion… ? Vous avez le choix des armes : fourchette, fer à repasser, hâche, écharpe de soie…
Pensez à y inclure les ingrédients précédents : chiffhanger, scène de crime « zoomée », Et surtout : le narrateur est l’assassin (récit en je) ! Votre héros n’a pas besoin d’être sympathique !
Imaginez… sur la terrasse d’une villa deauvillaise, un homme assis. Dans sa main gauche, un verre de whisky . Entre ses mains, un téléphone portable. Sera-t-il le meurtrier ? la victime ? le témoin ? A vous d’imaginer
Un exemple de meurtre délectable :
« Si je n’ai pas mes huit heures de sommeil je suis un homme perdu, et je devais me lever à sept heures… Il était deux heures et ils ne partaient pas, ils étaient vautrés dans les fauteuils, béats. Et Dieu sait que je n’avais pu faire autrement que de les inviter à dîner. Ils jacassaient comme des pies, ils caquetaient à n’en plus finir et se relançaient l’un à l’autre la conversation, ils l’emmêlaient de bredouillis et parlaient à tort et à travers de choses inutiles. Et je devais porter verres de cognac et autres tasses de café. Soudain il lui vint à l’idée, à elle, que nous pourrions prendre un peu plus tard une soupe à l’ail. (Ma cuisinière est très réputée.) Je n’en pouvais plus. Je les avais invités à dîner parce que je ne pouvais faire autrement, parce que je suis bien élevé. Ils étaient arrivés plus ou moins à neuf heures et demie, il était deux heures du matin et ils ne semblaient pas vouloir s’en aller. Je ne pouvais chasser la pendule de ma pensée, parce que je ne pouvais y jeter un œil, car, au-delà de tout : je suis bien élevé. Je devais me lever à sept heures et si je ne dors pas mes huit heures je suis une loque toute la journée, et de surcroît ce qu’ils racontaient ne m’intéressait pas, absolument pas. Bien entendu j’aurais pu agir comme un être grossier et d’une façon ou d’une autre leur dire de s’en aller. Mais ce n’est pas dans ma manière. Ma mère qui fut veuve très jeune m’a inculqué les meilleurs principes. Je n’avais qu’une seule envie : dormir, et le reste m’importait peu. Je n’avais pourtant pas tellement sommeil, je pensais seulement à l’envie que j’en aurais le lendemain… Mon éducation m’empêchait de simuler ces bâillements qui sont le moyen habituel des personnes ordinaires. Et vous par-ci et vous par-là… et ça et le reste. Le gin-rummy, les échecs, le poker… Ginger Rogers, Lana Turner, Dolores del Rio (je déteste le cinéma). Le samedi à Cuernavaca (je déteste Cuernavaca). Ah ! la maison d’Acapulco ! (à ce moment-là je détestais aussi Acapulco)… et Mengano qui perdait et perdait… Et vous, qu’en pensez-vous ? Et vous, et vous et vous… Et le Président, et le ministre, et l’opéra (je déteste l’opéra). Et le cashmere anglais, Don Pedro, et le gazon, les choux… Et ce poison qui ressemblait tellement au cognac. »
tiré de Max Aub, Crimes exemplaires
Commentaires
Jamais je n'aurais imaginé qu'une telle masse de béton dominerait ma petite maison. Bien sûr j'étais allée voir les plans à la mairie, mais je ne sais pas lire les plans.
BrigitteJ'avais rouspété quand ce promoteur était venu inspecter les lieux. Mais je m'étais emmêlée dans mes arguments. Et je m'en voulais de m'être fait écraser par l'assurance condescendante de cet homme qui semblait être né une raquette de tennis à la main.
Alors un jour de vague à l'âme, j'ai cherché son adresse personnelle. Et j'ai trouvé : une belle villa deauvillaise.
J'ai décidé de lui rendre visite. Je n'avais aucun plan, aucune idée préconçue. Simplement je voulais lui faire comprendre que les petites gens ont aussi des sentiments, éprouvent aussi de violentes émotions, ont de la culture, de l'intelligence et surtout ont aussi des droits.
Je suis arrivée devant la villa, ou plutôt devant un portail hermétique, et un mur froid.
J'ai sonné. Le lourd portail s'est lentement ouvert. Il m'a hélé de sa terrasse, un verre à la main. J'ai traversé le parc pour le rejoindre. C'était l'été il était seul, les employés en congé, sa famille à la Barbade.
Je m'étais décidée sur un coup de tête, et pourtant j'avais mis la petite jupette que mon amant de l'époque adorait et la chemise qui s'accorde si bien à la couleur de mes cheveux et de mes yeux.
J'ai tout de suite compris que je lui plaisait.
Panique à bord, et puis tout s'est fait sans heurt, sans soubresaut, naturellement.
Nous avons bu un whisky (moi qui déteste le whisky) , éteint nos téléphones puis je me suis laissée guider vers une chambre confortable.
Nous nous sommes rapprochés et je me suis déchaînée. Il n'en revenait pas.Il finit par me murmurer dans l'oreille : "Je suis cardiaque, vas-y mollo s'il te plait."
Ce qui redoubla mon ardeur.
Quand j'appelai les secours, il ne respirait plus, un sourire béat illuminait son visage.
Mon éditeur, Jacques Lupin, m’avait annoncé sa visite hier. Ce n’était pas habituel. J’étais allée le chercher à la gare et nous avions déambulé dans la ville et sur la plage par cette belle journée de printemps. Il restait pourtant étrangement silencieux sur le but de sa visite. Après un bon repas au restaurant je lui proposais de finir la soirée sur ma terrasse, face à la mer, avec un bon vieux cognac.
LucetteLa mer était haute et calme. Une vraie mer d’huile. Les goélands avaient cessé d’aboyer et de brailler.
Je lui posais enfin la question qui me brûlait les lèvres depuis son arrivée: « Alors? Mon manuscrit? Qu’avez-vous pensé de mon manuscrit? »
Il sortit le fameux manuscrit de sa sacoche et bredouilla: « euh…euh…bin…pas fameux.. »
Une vague de rage m’envahit…je hurlais ma déception…c’était le 3ème manuscrit qu’il me refusait…je bondis sur lui, saisis le manuscrit, le lui enfonçais dans la gorge…et…je le tins longtemps…longtemps….